Les esprits changent : les entreprises marquent leur volonté de faire évoluer le bien-être de l’utilisateur. L’Institut Français du Design soutient l’importance de la valeur d’usage et encourage les projets qui utilisent le design pour améliorer le cadre de vie.
Le Janus est un label officiel de design créé par l'arrêté ministériel du 13 novembre 1953. Il est parrainé par le Ministre de l'Industrie et du Commerce extérieur et reconnu par les professionnels du design.
L'Edito d'Anne-Marie Sargueil, présidente de l'Institut Français du Design
JACQUES VIÉNOT, UN ENTREPRENEUR DE LA CRÉATION
Vous entendez tous parler de design.
Savez-vous qu’il y a un pionnier, en France, qui a pensé, écrit sur le bon design ? Un Français reconnu à l’international, co-fondateur du WDO (World Design Organization), cette ONG qui a sélectionné en 2020 Lille, capitale mondiale du design..
Jacques Viénot a pensé le design comme un système politique, le dessein avant le dessin. Pour reconstruire l’économie après la guerre, il décide de réunir les forces créatives qui font l’identité de la France : les grands ouvrages d’art et les arts décoratifs. Ainsi il invente le néologisme « esthétique industrielle » et fonde l’Institut d’Esthétique Industrielle (1951 l devenu Institut Français du Design) et rédige une Charte (les 13 lois). Dans l’esprit de la loi Pacte qui récompense l’engagement de l’entreprise dans la société, il entreprend de sélectionner et récompenser ceux qui améliorent le cadre de vie. La sélection s’appellera Beauté France.
“La France est vieille, chefs d’industrie, ingénieurs, constructeurs, la concurrence étrangère vous guette !” Le ton est donné !
Jacques Viénot, c’est la culture du design à la française, universelle, celle que l’on partage avec le plus grand nombre. Rassembler « la fabrique du design en commun ». Viénot est un entrepreneur de la création. Le premier cabinet de design – Technès « On achète avec les yeux » - accueillera celui que tous les Français reconnaissent comme le plus grand designer industriel : Roger Tallon. Puis Viénot crée le cours d’esthétique industrielle – devenu l’Ensaama l Olivier de Serres - , la Chambre Syndicale, publie des revues, fait évoluer Beauté France qui devient un label (arrêté ministériel de 1953), organise à Paris une grande réunion internationale qui crée les fondements de l’ICSID (International Council of Societies of Industrial Design) devenue le WDO.
En nommant le label « JANUS », j’ai souhaité lui donner la valeur culturelle qui fonde LaBelleEconomie, à l’instar du dieu bifrons qui a la double connaissance du passé et du futur. Dans la continuité de la Charte fondatrice, j’ai proposé aux jurés qui décernent le label JANUS, réunis lors de dix sessions annuelles, d’arbitrer selon les « 5 E » : Economie l Esthétique l Ergonomie l Ethique l Emotion. Ces critères conviennent aussi bien à nos achats personnels qu’au mobilier urbain, à un dispositif médical ou à un service.
Le design amène aussi des solutions immédiates, applicables en état de crise comme on l’a vu pendant le Covid (souvenez-vous de la SNCF qui a su affréter et équiper des TGV en urgence pour transporter les malades. Oui c’est du design !).
En 2021 l’Institut Français du Design célébrera les 7 décennies de l’œuvre de Jacques Viénot. Nous partagerons cet héritage auprès du plus grand nombre, car le bon design rend service, aussi bien pour nos mains, nos yeux et notre cœur.
Rejoignez-nous !
Anne-Marie Sargueil
Historique
1951 : Entouré de 400 dirigeants industriels, Jacques Viénot invente le concept d'« esthétique industrielle » et fonde l'Institut d'Esthétique Industrielle.
1952 : Il rédige les « lois » de cette discipline.
1953 : L'association fondée par Viénot organise les premières sélections de produits et se dote de la marque « Beauté France ». Sous l'impulsion du Ministre du Commerce, « Beauté France » devient un label par arrêté ministériel du 13 novembre 1953.
1965 : Le label est rebaptisé "Beauté Industrie".
1972 : « Beauté Industrie » devient « Formes et Industrie », label français d'esthétique industrielle, parrainé par le Ministre du Commerce extérieur.
1984 : L'Institut d'Esthétique Industrielle devient l'Institut Français du Design Industriel et élit à sa tête Anne-Marie Sargueil. Celle-ci s'attache à élargir le champ d'action aux nouveaux marchés du design, en intégrant l'Europe, les PME et les jeunes. Le label « Beauté Industrie » devient le Janus de l’Industrie.
2004 : Le Janus de la Santé, créé avec le soutien du SNITEM (Syndicat National de l'Industrie des Technologies Médicales), a pour vocation de faciliter et sécuriser le geste médical pour le personnel hospitalier, veiller au respect de l'observance et à la simplicité d'usage pour le patient, et améliorer la vie des personnes avec un handicap.
2005 : Le Janus du Commerce récompense les enseignes utilisant le design comme outil de réflexion et d’innovation pour humaniser l’acte de commerce et améliorer le confort du consommateur
2005 : Le Janus de la Cité est décerné aux collectivités qui mettent en avant leur volonté d'amélioration des services du territoire, dans une gestion cohérente et harmonieuse pour l’ensemble de leurs publics et usagers et pour offrir aux citoyens un cadre de vie de qualité. Cette distinction récompense les collectivités qui ont choisi de mettre en place la meilleure adéquation possible entre une stratégie d’urbanisme et sa mise en œuvre créative.
2007 : Le Janus du Service récompense le design qui consiste à concevoir des interfaces hommes-machines (IHM) inhérentes à la conception des produits ou des lieux eux-mêmes, en scénarisant tous les points de contacts avec les usagers (interfaces matérielles et immatérielles). La démarche design (l’ergonomie, l’accessibilité, l’intuitivité), par la visualisation des données, concrétise l’expérience proposée par la marque. Le rôle du designer de service est de faciliter les échanges, co-créer avec l'entreprise (maître d'ouvrage ou industriel) et mettre en forme les solutions d’appropriation.
2011 : Le Janus de la Prospective est dédié aux innovations expérimentales à condition que le jury juge un prototype fonctionnel et réaliste, à échelle 1, comprenant toutes les fonctionnalités d’usage, servant ainsi de démonstrateur. Ces innovations impactent le comportement des utilisateurs, créent de nouveaux gestes, une nouvelle interface et une nouvelle économie. Le design est ainsi un outil qui permet de se projeter et de formaliser des dimensions émotionnelles et sensorielles en vue d’une faisabilité.
2012 : Le Janus de l'Espace de vie.
CHARTE DE L’ESTHÉTIQUE INDUSTRIELLE
Extrait de la revue Esthétique industrielle (1952)
Définition : L’esthétique industrielle est la science du beau dans le domaine de la production industrielle. Son domaine est celui des lieux et ambiances de travail, des moyens de production et des produits.
1. Loi d’économie : L’économie des moyens et des matières employées (prix de revient minimum) dès lors qu’elle ne nuit ni à la valeur fonctionnelle, ni à la qualité de l’ouvrage considéré, est condition déterminante de la beauté utile.
2. Loi de l’aptitude à l’emploi et de la valeur fonctionnelle : Il n’est de beauté industrielle que d’ouvrages parfaitement adaptés à leur fonction (et reconnus techniquement valables). L’esthétique industrielle implique une harmonie intime entre le caractère fonctionnel et l’apparence extérieure.
3. Loi d’unité et de composition : Pour former un tout harmonieux, les différents organes constituant un ouvrage utile doivent, sur leur plan respectif, être conçus les uns en fonction des autres et en fonction de l’ensemble. Les ouvrages utiles doivent satisfaire aux lois d’équilibre statique ou dynamique dans les proportions, compte tenu des propriétés des matières employées.
4. Loi d’harmonie entre l'apparence et l’emploi : Dans l’ouvrage qui satisfait aux lois de l’esthétique industrielle, il n’y a jamais conflit, mais toujours harmonie entre la satisfaction esthétique qu’en ressent le spectateur désintéressé et la satisfaction pratique qu’il donne à celui qui l’emploie. Toute production industrielle doit être génératrice de beauté.
5. Loi du style : L’étude du caractère esthétique d’un ouvrage ou d’un produit industriel doit tenir compte de la durée normale à laquelle il doit être adapté. Un ouvrage utile ne peut prétendre à un caractère de beauté durable que s’il a été conçu loin de l’influence artificielle de la mode. Des caractéristiques esthétiques des ouvrages utiles d’une époque découle un style qui en est l’expression.
6. Loi d’évolution et de relativité : L’esthétique industrielle ne présente pas de caractère définitif, elle est en perpétuel devenir. La beauté de l’ouvrage utile est fonction de l’état d’avancement et de l’évolution des techniques qui l’engendrent. Toute technique nouvelle nécessite le temps de la maturation pour parvenir au stade de l’épanouissement qui lui permettra de trouver une expression esthétique équilibrée et typique.
7. Loi du goût : L'esthétique industrielle s’exprime dans la structure, la forme, l’équilibre des proportions, la ligne des ouvrages utiles. Le choix des matières, des détails de présentation, des couleurs relève davantage du goût qui doit en être l’heureux complément, compte tenu de la loi d’économie.
8. Loi de satisfaction : L’expression des fonctions qui donnent sa beauté à l’ouvrage utile doit s’entendre de la façon dont elle frappe tous nos sens : non seulement la vue, mais l’ouïe, le toucher, l’odorat et le goût.
9. Loi du mouvement : Les engins destinés à se mouvoir eux-mêmes dans l’espace (air, mer, route, rail) trouvent dans le mouvement qu’ils engendrent la caractéristique essentielle de leur esthétique. Aux lois d’aptitude à l’emploi et d’harmonie entre l’apparence et l’emploi s’ajoute ici un facteur de comportement dans l’élément considéré (terre, eau, air) qui domine les autres bases du jugement.
10. Loi de hiérarchie ou de finalité : L'esthétique industrielle ne peut faire abstraction de la finalité des ouvrages produits industriellement. Une hiérarchie morale s’établit naturellement entre ceux-ci. Les productions industrielles qui possèdent, en raison de leur objet, un caractère de noblesse et qui sont de nature à aider l’homme à progresser, ou qui sont susceptibles d’avoir une influence salutaire dans le domaine social, jouiront d’un préjugé favorable. En revanche, les engins qui ont pour fin la destruction humaine ne sauraient prétendre à une admiration sans réserve.
11. Loi commerciale : L’esthétique industrielle trouve l’une de ses applications les plus importantes sur les marchés commerciaux. La loi du plus grand nombre des acheteurs ne saurait infirmer la valeur des lois définissant l’esthétique industrielle. La vente ne saurait être considérée comme un critère de la valeur esthétique. Lorsqu’elle en est la consécration, elle témoigne l’égalité de niveau entre le créateur du modèle et l’acheteur, toute considération de prix mise à part.
12. Loi de probité : L’esthétique industrielle implique honnêteté et sincérité dans le choix des matières ou matériaux employés. Une réalisation industrielle ne saurait être considérée comme belle, dès lors qu’elle contient un élément de mensonge, de dissimulation, de tromperie. Toutefois, les revêtements et les carapaçonnages exigés fonctionnellement par une réalisation industrielle sont légitimes lorsqu’ils expriment correctement les fonctions essentielles de l’objet et qu’ils ne servent pas à dissimuler des matériaux ou des organismes susceptibles de compromettre le bon fonctionnement ou la valeur de l'objet.
13. Loi des arts impliqués : L’esthétique industrielle implique une intégration de la pensée artistique dans la structure de l’ouvrage considéré. Loin du décor plus ou moins arbitraire ou artificiel ou surajouté des arts appliqués, les arts qui concourent à l’esthétique industrielle peuvent singulièrement être dits impliqués dans le modèle à concevoir, faisant corps avec la technique et se confondant avec elle..
D’OÙ VIENT LE NOM JANUS ? Dieu ambivalent à deux faces adossées, d'origine indo-européenne, Janus est l'un des plus anciens dieux de Rome. D'abord dieu des dieux, créateur débonnaire, il devint le dieu des portes des transitions et des passages, marquant l'évolution du passé à l'avenir, d'un état à l'autre, d'une vision à l'autre.

Il préside aux commencements : le premier mois de l’année lui est consacré (janvier, janua, januarius : la porte de l'année) ainsi que le premier jour du mois. Il intervient au début de chaque entreprise, tandis que les vestales président à leur achèvement. Il dirige toute naissance, celles des dieux, du cosmos, des hommes et de leurs actions.
Gardien des portes, qu'il ouvre et ferme, il a pour attribut la baguette du portier et la clef. Son double visage signifie qu'il surveille aussi bien les entrées que les sorties, qu'il regarde aussi bien l'intérieur que l'extérieur, la droite que la gauche, devant et derrière, le haut et le bas, le pour que le contre. Il est la vigilance et peut-être l'image d'un impérialisme sans limite. Ses sanctuaires sont surtout des arcs comme les portes ou des galeries sur les lieux de passage. Des monnaies portent son effigie et au revers un bateau.
A l'origine, l'association fondée par Jacques Viénot organise les premières sélections de produits et se dote de la marque « Beauté France ». Sous l'impulsion du Ministre du Commerce, « Beauté France » devient un label par arrêté ministériel du 13 novembre 1953..